Dans l’ombre de l’actualité ? Une analyse transnationale de la critique de films israéliens et palestiniens

Renouvelant les travaux sur les rapports entre critique de cinéma et politique, cet article définit la politisation comme une intertextualité entre les critiques de films parues dans la presse et la couverture d’un conflit israélo-palestinien très débattue. Dans une perspective transnationale, il compare 400 critiques professionnelles françaises, anglaises, américaines et israéliennes de dix films israéliens et palestiniens dans la période 2000-2014, alors que ce cinéma connaît un remarquable succès international. Fondé sur une analyse quantitative du contenu et une analyse qualitative du discours, il confirme que l’actualité du conflit affecte la critique cinématographique, avec des inflexions différentes dans chacun des quatre pays, en fonction de la perspective politique nationale dominante sur Israël-Palestine, la tradition journalistique – entre rhétorique américaine de la neutralité et journalisme français plus personnel –, la perception du cinéma sur un spectre qui va d’une forme d’art légitime à un divertissement commercial. Selon ces trois perspectives, l’emprise de la culture nationale sur la critique l’emporte sur les écarts politiques qui pourraient séparer les publications de presse dans chacun des pays.
Renewing work on the relationship between film criticism and politics, this article defines politicisation as an intertextuality between film reviews published in the press and coverage of the Israeli-Palestinian conflict, which is highly debated in the news. From a transnational perspective, it compares 400 professional French, English, American and Israeli reviews of ten Israeli and Palestinian films released in the 2000-2014 period, when this cinema is enjoying remarkable international success. Based on a quantitative analysis of content and a qualitative analysis of discourse, it confirms that the topicality of the conflict affects film criticism, with different inflections in each of the four countries, depending on: the dominant national political perspective on Israel-Palestine; the journalistic tradition, between American rhetoric of neutrality and more personal French journalism; the perception of cinema on a spectrum ranging from a legitimate art form to commercial entertainment. In all three areas, the influence of national culture on criticism outweighs any political differences that might separate press publications in each country.